Ray Bryant – Con Alma – Stablemates

Tout d’abord, je voulais remercier Chimarro pour son commentaire et ses intéressants liens. Il pose aussi la question de la transcription de disque:

Je pense qu’il n’y a pas qu’une seule méthode. La plus efficace à mon sens est la méthode à l’ancienne, à savoir la dictée sur table. Bien entendu, c’est aussi la plus difficile et la plus laborieuse. Très rebutante au début, elle permet tout de même un développement de l’oreille flagrant*.
Pour aller plus vite, on peut s’aider de son instrument. L’idée est bien évidemment de relever les notes exacts, mais aussi le phrasé en général (attaque des notes, notes courtes ou longues, nuances, placement). Pour cela, il faut jouer et rejouer le passage travaillé jusqu’à aboutir à une parfaite imitation du soliste concerné.

Il est plus simple de commencer avec quelques solos en single notes** tout d’abord (main droite du pianiste en général).
Le plus difficile au piano est de relever des accords, car parfois, les résonances du piano ne permettent pas d’avoir une vision exacte des notes jouées.
Cela dit, avec l’expérience, on remarque souvent les mêmes voicings (accords) qui reviennent sous les doigts des pianistes, et selon le musicien, on peut deviner (anticiper parfois) les accords joués. Car en effet, l’habitude fait qu’à force d’approfondir le jeu d’un pianiste, il devient aisé de comprendre son style, ses accords, etc… (Bill Evans fait beaucoup d’accords fermés, McCoy Tyner joue beaucoup d’accords en position fondamental à la main gauche…)

Quoi qu’il en soit, ce travail de transcription demande beaucoup de patience et de rigueur. Il n’y a pas vraiment d’astuces (à part peut-être certains logiciels (comme Transcribe ) qui permettent de gagner beaucoup de temps…). Personnellement, après avoir fait un relevé, il m’arrive de vérifier certaines choses avec Transcribe, car il arrive souvent de passer à côté de détails par-ci par-là.

Pour ce qui est du contenu, je conseille pour les pianistes de relever aussi des saxophonistes, des guitaristes, pour avoir une palette de vocabulaire le plus complet possible. De plus, je ne relève plus de solos complets, car il me semble préférable de cibler les choses qui me plaisent, comme je le montre dans ce blog. Malgré tout, il est important de considérer un solo dans son intégralité à l’écoute au départ, car il nous renseigne sur la construction du morceau, la maîtrise du discours. C’est un autre travail.

Une fois le passage relevé, je le transpose dans tous les tons***, afin de voir dans quelle tonalité il continue de bien sonner, et de manière à jouer aussi dans des tonalités difficiles. Puis j’essaie de le replacer dans le contexte du morceau en question, en situation de jeu (à différents tempos). Enfin, il est très important de l’appliquer à d’autres morceaux (standards essentiellement). De cette manière, j’incorpore le passage travaillé à mon discours, sans en faire un simple copier-coller.

Pour finir, je dirais qu’il est important de ne pas se laisser aller à « l’à-peu-près »: Un accord peut changer du tout au tout en changeant simplement une note. La qualité du phrasé et du placement rythmique fera toute la différence dans la manière de faire sonner telle ou telle chose. Il faut être très exigeant sur le placement rythmique****.

Voilà un peu ma manière de voir les choses. C’est un travail de longue haleine, très profitable pour la concentration et le développement de l’oreille musicale; qui donne de réelles satisfactions pour qui prend le temps de s’y pencher un peu. N’hésiter pas à partager votre avis ici, vos méthodes, ou poser des questions.

Voici maintenant quelques relevés, après tous ces discours techniques. Pour commencer un extrait de Con Alma, par Ray Bryant, du disque en trio du même nom :

Il s’agit du special joué après le thème.
(NB: mesures 13 et 14, les La sont # bien sûr…)

Une autre petite chose maintenant. C’est un plan intéressant, qui consiste à jouer des sixtes sur des accords augmentés, très utilisé par Ray Bryant. Entendu sur l’album de Benny Golson And The Philadelphians.

Remarquez que les sixtes sur l’accord de Gb et C sont les mêmes, triton oblige.

__________________________

* pour ceux qui n’auraient aucune formation en solfège, ce type de repiquage est sans doute impossible à mettre en œuvre sans aide extérieure, ne serait-ce que pour écrire la partition…

** je conseille par exemple de commencer avec quelques solos de Sonny Clarke, pianiste qui posséde un discours très clair, et relativement facile à relever. A noter en passant son phrasé et son swing incroyable.

*** en cycle de quintes par exemple, puis en tierces majeures, mineures, etc… de façon à ne pas avoir trop de repères entre les tonalités. La transposition chromatique n’est pas très efficace à mon sens.

**** il faut même être très très exigeant. Et même encore plus… 


Auteur : Florent Gac

Pianiste et organiste de jazz / Enseignant

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer